Le père Eugène est un membre assidu du club des Aînés Ruraux de son
village. Quatre-vingt-trois ans et une sénilité parfaitement assumée ! Ah ! il
faut le voir les jours fériés jouer aux cartes en compagnie de ses pairs ! Et
puis l'entendre chanter ! Ce n'est pas rien ! Un vrai boute-en-train le pépé
Eugène... Avec son mégot éteint perpétuellement pendu à sa lèvre molle, son
éternel légendaire béret vissé sur le front et sa démarche chancelante, il a
bien l'air de ce qu'il incarne : un vieil abruti alcoolique.
Avec ses passions débiles, ses occupations ineptes et ses amours
insignifiantes, le papy Eugène symbolise à lui seul tous les bas-fonds des
hospices de province. Une existence passée à boire, fumer, parler voitures,
tondre son gazon le dimanche pour finir aussi lamentable qu'un détritus passant
son temps à taper le carton avec d'autres "seniors" de son rang !
Rassurons-nous toutefois car Eugène l'ancien a toujours été à l'abri de sa
propre inanité derrière ses restes de cigarettes humidifiées de salive. Ignorant
la misère de sa condition, il vous postillonne chaleureusement à la face en
racontant ses histoires sans intérêt, hilare. Sur le sort de son chien, il se montre intarissable. Sur la météorologie il est capable de débiter en une heure
seulement autant d'âneries qu'un plombier pourrait en émettre lui-même sur la
philosophie kantienne au cours de toute sa carrière professionnelle entre ses
tuyaux obstrués et ses éviers bouchés ! Après ses interminables parties de
belote, en général il n'a plus rien à dégoiser du tout : il cuve.
Il s'estime hautement qualifié pour honorer les caissières de supermarchés
! Mieux encore : il aime dire "Hôtesses de caisses", ça lui plaît à l'Eugène. Ca
lui donne l'impression de faire moderne. Notons qu'il est docilement conditionné
par les émissions de TF1. Un spectateur modèle, irréprochable ! Il sait causer
comme les jeunes le Gègène. Il dit "Hôtesses de caisses" pour ajouter une touche
de noblesse à ses mots doux qu'il voudrait caressants mais qui ne sont que
flasques...
Pitoyable du haut de son affligeant couvre-chef jusqu'aux semelles
ramollies de ses charentaises... Longue vie à lui au club des Aînés Ruraux
!
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