Marinette est une authentique vierge : ennemie jurée du mâle ordinaire et
amante fidèle de la statue christique de l'église décrépite de son
village.
Avec ses traits franchement ingrats, sa taille fine, sa croupe imposante et
sa gorge somptueuse, Marinette enflamme secrètement les sens du vieux curé, fait
pitié à certaines épouses, donne envie à d'autres.
Et fait rire quelques moqueurs.
Singulièrement laide de visage nous venons de le dire mais sexuellement
irrésistible, elle fait le plus d'effet aux nombreux ivrognes, quelques puceaux
et rares aristocrates que compte le clocher.
Bref, nul ne reste indifférent au charme troublant qui émane de cette
génisse venimeuse.
Vieille fille réellement cruelle mais d'une piété exemplaire, elle chante
comme un rossignol à la messe dominicale, fait longuement agoniser les lapins
qu'elle élève dans d'infects clapiers avant de les décapiter à coups
de hache.
Et prie avec une ferveur non feinte.
De sa calligraphie de prestige, régulière et incisive, il lui arrive
d'envoyer mensuellement des lettres anonymes d'une rare obscénités aux femmes
des notables du patelin. Missives parfois agrémentées de propos politiques
immatures, ineptes et grotesques à destination de leur époux.
Prudente, elle les poste toujours dans différents dépôts postiers du
chef-lieu de sa contrée. Ce qui représente pour elle une véritable
expédition qu'elle entreprend invariablement en autocar. Ces allers-retours dans
la préfecture lui prennent une journée entière. Une fois par mois elle effectue
ce voyage en ville afin d'aller poster ses ordures.
Une petite affaire qui ne lui pose pas de problème : pensionnée (ou
rentière, on ne sait pas trop) Marinette ne travaille pas et a beaucoup de temps
à accorder à elle-même ainsi qu'à empoisonner la vie des autres.
Sa sexualité explosive et perverse qu'elle refoule depuis ses premières
règles ressort dans presque tous ses actes et pensées : ses fantasmes dénaturés
ne sont plus un secret pour personne.
En fait on ne sait pas si Marinette est belle ou affreuse. A trente-huit ans,
d'homme elle n'a connu que le Christ en croix que maladivement elle caresse du
regard, le prêtre enfiévré de la paroisse à qui elle confesse ses pires rêveries
érotiques et le sacristain un peu benêt mais monté comme un âne et qui un
dimanche lui a montré son braquemart sans que celle-ci ne détourne les yeux.
Marinette est un ange lorsqu'elle caracoule aux offices de sa voix pure, se
montre malsaine en compagnie de ses lagomorphes, arbore une silhouette
vénusiaque avec ses formes charnelles, incarne le tue-l'amour par excellence à
travers sa face disgracieuse.
Elle hante non seulement le sanctuaire de la bourgade de sa présence à la
fois pieuse et indécente mais également l'esprit de bien des mâles en rut, le
coeur de plus d'une ménagère envieuse ou railleuse, les songes libidineux de
l'abbé et la tête du bedeau qui, aux dernières nouvelles, lui a finalement
rendu l'hymen pareil à celui d'une putain avérée, à la grande satisfaction de
l'hypocrite qui à partir de là, loin de s'assagir, redouble ses crimes
cachés.
Désormais, c'est deux jours mensuels qu'elle s'octroie pour ses visites
dans la capitale du département.
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