Elle était si fière de porter le gros cierge ! Le seul honneur qui fût à sa
portée. Son rêve de célibataire provinciale se concrétisait tous les dimanches.
En tête de procession, la vestale du clocher se sentait pousser des ailes. Ha !
Il fallait la voir parader dans la petite église de son village, la tête haute,
le talon bas, solennelle et ridicule...
Dans sa cervelle étriquée de vieille fille, elle ne réalisait pas encore
que cette bougie massive qu'elle hissait si haut dans son estime, étreignait si
fort entre ses doigts, arborait avec femelle vanité devant les autres fidèles
trahissait en fait ses désirs les plus chers, qui étaient aussi les moins
avouables...
Le curé accoutumé aux fièvres suspectes de ses ouailles avait plus que les
autres conscience que la processionnaire, à travers l'objet pieux, rendait
confusément hommage à quelque vaillante virilité... Cette chose à ses yeux
extraordinaire, elle la pressait comiquement contre sa poitrine, la baisait sans
pudeur, l'exhibait tel un sceptre magique.
Honnêteté, pureté, chasteté : trois raisons valables pour se pavaner comme
une reine incontestée de la vertu. Elle processionnait ainsi chaque semaine au
son de l'harmonium, s'imaginant affermir sa réputation d'abstinente. Mais qui
était encore dupe ?
La flamme du flambeau montant vers le ciel désignait tacitement son hymen
clos : la prude montrait trop bien ce qu'elle voulait cacher, le masque de sa
dévotion ayant pris définitivement les traits du vice. Elle était bien la seule
à ignorer que l'éclair de sa drôle de chandelle ne symbolisait rien d'autre que
le feu de sa chair inassouvie... Cécité de bigote.
Ainsi elle se donnait en spectacle à la messe devant les notables amusés,
la misère de sa condition la rendant décidément sotte. L'image de piété qu'elle
pensait transmettre à l'assemblée dominicale se transformait à son insu en aveu
éhonté : ses prières publiques étaient en réalité toutes à la gloire de ses
obsessions phalliques.
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